LES NAGEURS DE LA NUIT
-
-
      Le premier-maître vérifie son matériel. 
Situé sur les hauteurs, le petit groupe attend. Un bruit de rotor. Les deux équipes de deux hommes quittent furtivement l'abri des fourrés et se positionnent autour d'un feu discret. 
Tout le monde se connaît, et l'ambiance est excellente. Dans les nageurs de combat comme sur un bâtiment, chacun dépend de tous les autres et réciproquement, tels les maillons différents et complémentaires d'une chaîne unique qui est un outil de combat. La bonne humeur est de mise quels que soient les problèmes personnels.  
     On embarque dans le Super-Frelon. La balade en hélico est toujours un bon moment. Tandis que le jour s'est estompé à travers les hublots de la carlingue, la trappe centrale s'ouvre sur l'air glacé et le rugissement des pales. 
-
-

       Un par un, les quatre hommes se jettent à l'eau. Sur un dernier signe des membres d'équipage, l'hélicoptère bourdonne encore au dessus du petit groupe, puis il s'éloigne et disparaît dans le crépuscule. Sans bruit, ils ajustent rapidement leur masque et leur appareil respiratoire. Après la prise de cap, les nageurs disparaissent dans les profondeurs.
Rinçage, vérification; un signe du chef d'équipe, et le palmage commence. Progressant à une allure régulière, les deux binômes suivent les indications de leur planchette de navigation. Ils ne pensent à rien: palmer jusqu'au rivage et rester groupés. Tout autour, dans la nuit sous-marine, les nautilutes, des myriades de minuscules particules qui brillent sur la combinaison noire. Et toujours le "bruit" des torrents de sang qui "pulsent" dans les artères, en concurrence avec les battements du coeur qui s'accélèrent quand apparaît l'objectif.


      Le point de "beachage" est atteint à quelques mètres près. Un point sombre émerge de l'eau dans un silence absolu. Fusil d'assaut au poing, il scrute les environs. Trois autres ombres noires surgissent alors derrière les rochers.
Les sacs sont regroupés et cachés. Le crachin s'est transformé en pluie. Tant mieux, la nuit et la pluie sont les meilleurs amis des commandos. 

-
-

      L'infiltration jusqu'à la zone de l'objectif a duré dix minutes. Les hommes se postent et observent. Le moment est venu de traiter l'objectif : Rendre inopérant un radar de surveillance. Les deux spécialistes en démolition s'enfoncent dans la nuit noire tandis que le deuxième binôme reste en retrait pour couvrir leur repli. Avec leurs lunettes à intensification de lumière, ils surveillent l'environnement, les sens aux aguets. 


Les voilà qui réapparaissent; l'opération s'est déroulée sans anicroche.  
Phase suivante, l'exfiltration. On se remet à l'eau. Encore une heure de NTI en direction du large, sans aucune bulle, dans une discrétion absolue presque irréelle, rythmée seulement par les battements des palmes et les flots d'oxygène qui arrivent par vagues constantes dans les poumons.
Les deux équipes se regroupent à une vingtaine de mètres l'une de l'autre. Sera-t-il exact au rendez-vous?
 
     Le monstre noir émerge des profondeurs. Deux petits éclairs lui permettent de situer les hommes qu'il doit récupérer; il vient stopper au milieu d'eux. Les nageurs montent furtivement à bord du sous-marin. 
Avant de s'engouffrer dans le sas, le premier-maître esquisse un sourire. 
Cette nuit, il s'agissait d'un exercice. 

Fox


Photos © Marine Nationale -


Retour